Petite histoire de la statue miraculeuse de l’Enfant Jésus de Prague
L’origine de la dévotion au saint Enfant Jésus de Prague se situe en Espagne. Un vieux moine eut un jour la vision de l’Enfant Jésus dans sa cellule. Afin de garder en mémoire cette vision, le moine voulut la reproduire dans une statue de cire : c’est la statue que nous connaissons exposée au sanctuaire de Prague. Cette statue fut possédée par une princesse dénommée Polyxène de Lobkowitz, qui en hérita pour son mariage. La princesse Polyxène voyagea hors d’Espagne et s’installa à Prague vers 1600 (Bohême, actuelle république Tchèque).
Durant une bataille gagnée par les catholiques sur les protestants le 08 novembre 1820, durant la guerre de Trente ans, et dont les troupes catholiques furent conduites par un carme, l’empereur décida d’installer le carmel dans son pays. L’ordre des carmes, établit à Rome depuis 1600, fut ainsi appelé en Bohême en 1620 par l’empereur Ferdinand II.
Une fondation de carmes déchaussés vit donc le jour à Vienne en 1622 puis à Prague en 1624. L’église dans laquelle les carmes s’installèrent, qui s’appelait « église de la Trinité » fut rebaptisée « Notre Dame de la Victoire » en souvenir de la bataille. Avec le départ de la cour de l’empereur Ferdinand à Vienne, le couvent ne vivant que d’aumônes, la pauvreté frappa le couvent. Le Père prieur Jean-Louis de l’Assomption appela sa communauté à prier l’enfant Jésus. Il ordonna au sous-prieur et maitre des novices, le Père Cyprien de Sainte Marie, de se procurer une statuette ou une image de l’Enfant Jésus.
Un jour, touchée par les difficultés des pères carmes, la princesse Polyxène de Lobkowitz décidé d’offrir en 1628 la statue de cire de l’enfant Jésus qu’elle possédait en disant au Père Jean-Louis de l’Assomption à qui elle remit la statue : « Je vous offre ce que j’ai de plus précieux, vénérez l’Enfant Jésus, et vous ne manquerez de rien». Dès que cette statue commença à être vénérée, la communauté souffrit moins de la pauvreté et reçut de nombreux dons et aumônes.
Les novices furent les premiers et les plus fervents adorateurs de l’Enfant-Dieu. L’un d’eux, le Père Cyrille de la Mère de Dieu (1590-1675), en reçut une grande faveur. Alors qu’il était plongé dans une importante souffrance spirituelle, le Père Cyrille eut son âme illuminée alors qu’il priait devant la statuette et décida depuis de se faire l’apôtre de cette dévotion. Reconnaissant, il promit d’être l’apôtre et le propagateur de cette dévotion au divin Enfant Jésus. Parti en Allemagne à cause d’une invasion étrangère protestante en Bohème, le Père Cyrille ne revint qu’en 1637 à Prague. Cherchant désespérément la statue, il la retrouva finalement que sept ans plus tard sous les décombres, derrière un autel, les mains tranchées. Lorsqu’il redécouvrit la statue, il l’exposa aussitôt dans le chœur. Grâce à sa persévérance, sa vénération fut prise à cœur par la communauté qui au début de l’année 1648, commença à se réunir dans la chapelle de l’Enfant Jésus pour la méditation et la liturgie des petites heures. De nombreux bienfaits s’ensuivirent, les troupes suédoises aux portes de Prague levèrent le siège, la communauté retrouva une vie prospère. Un jour qu’il s’agenouillait devant la statue pour prier, il entendit la voix de l’Enfant-Jésus qui prononça ces paroles célèbres :
« Ayez pitié de moi et j’aurai pitié de vous…Rendez-moi mes mains coupées par les hérétiques et je vous rendrai la paix.
Plus vous m’honorerez, plus je vous favoriserai ».
C’est seulement à ce moment-là que le Père Cyrille remarqua que la statuette, qu’il s’était empressé de remettre à l’honneur, était mutilé des deux mains. Cherchant à faire réparer la statue, il se heurta cependant à l’opposition catégorique de son supérieur. Malgré les dons qu’il reçut, rien ne fut donné pour la réparation de la statue, et sa dévotion décrue largement à tel point que le Père Cyrille dut porter la statue et la placer dans sa propre cellule.
Un jour, peu avant les matines de la fête de l’Immaculée Conception, alors que le père Cyrille priait la Vierge, il fut intérieurement poussé à regarder par la fenêtre de sa cellule qui donnait sur l’église. Il vit alors, dans le clair de lune, comme une petite nuée qui descendait sur le chœur. Elle prit peu à peu l’apparence d’une Madone entourée d’une guirlande d’étoiles. La Vierge allongea son bras en en direction du chœur. Le lendemain, quand le père Cyrille voulut vérifier l’endroit fixé par la Vierge Marie, il trouva un local que précédemment on avait voulu transformer en oratoire, sans qu’on l’eût encore réalisé. Profitant de la nomination d’un nouveau prieur, le père Cyrille réitéra sa demande de réparation de la statue avec confiance. Le nouveau prieur, le père Dominique, ne fut pas opposé à la restauration de la statuette, mais les caisses du couvent étant de nouveau vide. Il répondit donc au père Cyrille en ces termes : « si l’Enfant Jésus nous donne le premier sa bénédiction, je ferai réparer sa statue ».
Le père Cyrille commença alors à prier mais fut interrompu parce qu’il était appelé à la chapelle. Devant l’autel, une dame l’attendait, lui donna une offrande, et disparut. Le père Prieur concéda alors à la réparation, mais exigea que celle-ci n’excède pas un demi-florin. Mais les difficultés se poursuivirent et les réparations tardèrent. L’Enfant-Jésus dit alors au père Cyrille: « Place-moi à l’entrée de la sacristie, il viendra quelqu’un qui aura pitié de moi ».
Une heure après, M. Daniel Wolf un ancien fonctionnaire de la cour étranger au couvent vint le visiter. Il examina la statue et offrit de la réparer à ses frais. Cet homme était pourtant à ce moment-là très endetté et était au bord de la séparation avec son épouse. Une fois la statue portée chez lui pour réparation, il reçut un document impérial lui accordant une importante somme d’argent pour sa retraite, et son couple se ressouda. Les réparations achevées, il rapporta la statue au couvent. Suite à une chute, il la répara de nouveau et la statue fut placée dans une urne de cristal. La dévotion commença alors à se répandre. Devant les nombreux bienfaits procurés, il fut décidé de placer l’Enfant Jésus dans un riche tabernacle doré, au-dessus du nouveau maître-autel.
Un jour de juillet 1639, le frère Cyrille, eut la visite d’un noble. Il supplia le frère de bien vouloir porter la statue de l’Enfant Jésus au chevet de sa femme, gravement malade, qui recouvra très rapidement la santé. En action de grâce pour cette guérison miraculeuse, elle offrit une couronne d’or à l’Enfant Jésus. Ceci fut l’un des premiers et des plus célèbres miracles de l’Enfant Jésus de Prague, entrainant une vague de ferveur intense dans la ville.
Grâce à de nombreux bienfaiteurs, une chapelle fut dédiée spécialement dans l’église à la Sainte Trinité, avec une niche à l’attention de l’Enfant-Jésus. Au cours de l’année 1642, la princesse de Lobkowitz décida d’aider de nouveau le couvent et son mari rencontra le Père Cyrille à qui il déclara en voyant la chapelle de l’Enfant-Jésus : « Je ferai volontiers quelque chose pour Lui ». Il pourvut alors aux frais d’un nouveau sanctuaire. Les travaux commencèrent dès 1642 à l’endroit-même que la Sainte Vierge avait indiqué au Père Cyrille lors de son apparition et le 14 janvier 1644, jour de la fête du Saint Nom de Jésus, la nouvelle église fut inaugurée. Après une visite au sanctuaire, l’empereur Ferdinand III décida d’offrir quarante cierges richement ornés, fabriqués par des artisans de Venise. Avec ces différentes solennités, cette dévotion se répandit dans toute la ville de Prague et l’église devint un lieu de culte extrêmement fréquenté. Une grande chapelle fut ensuite construite en 1654 pour pouvoir rendre un culte public et durable à l’Enfant Jésus. La statuette de l’église de Sainte Marie de la Victoire fut donc déplacée dans cette chapelle richement décorée au cours d’une cérémonie le 19 mars 1655. Le frère Cyrille de la Mère de Dieu mourut à Prague le 4 février 1675 mais la dévotion continua de se répandre grâce à l’intervention d’autres frères carmes, touchant même l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche qui rendit visite au sanctuaire en 1743 et offrit un habit précieux cousu de ses mains pour habiller la statue.
A la même époque en France, la carmélite vénérable Marguerite Marie du Saint Sacrement (1619-1648) fut favorisée par des apparitions du Saint Enfant Jésus dans sa cellule du carmel de Beaune, qui lui dit un jour : « Ma fille, puise dans les trésors de mon enfance, je ne refuserai rien à tes prières ». L’Enfant Jésus en personne lui enseigna la manière de l’honorer depuis son incarnation jusqu’à sa douzième année, par une dévotion particulière. La carmélite précisa que cette dévotion consiste à célébrer avec zèle les fêtes de l’Enfant Jésus, honorer le 25ème jour de chaque mois, en mémoire de sa naissance, et réciter un petit chapelet que Marguerite-Marie du Saint Sacrement appela « petite couronne ».
La dévotion continua de se répandre en France où une statuette fut installée le 13 avril 1886 au carmel de Meaux, fondée en 1860. C’est après qu’une religieuse, Mère Gertrude, reçut une grande grâce de la part de l’Enfant Jésus, qu’elle décida de se procurer une statue de l’Enfant Jésus de Prague dans le couvent. La tradition orale dit que Mère Gertrude vit marcher dans sa cellule « un petit Jésus qui n’était pas comme les autres » selon sa propre expression. Elle chercha pendant longtemps une image correspondant à sa vision avant de se rendre compte, en lisant un article des Annales du Carmel du 31 janvier 1886, qu’il s’agissait de l’enfant Jésus de Prague. Les faveurs obtenues se multipliant de plus en plus, il fut décidé que la statue serait placée dans la chappelle extérieure du monastère. L’érection solennelle de la statue fut fêtée le 13 septembre 1888 par monseigneur de Briey, évêque de Meaux.
La dévotion se répandit progressivement en-dehors de Prague et à travers le monde, en Amérique et en Asie. En Amérique, « la sainte des Emigrants » Sainte Fransesca Saverio Cabrini s’attacha à répandre la dévotion en demandant à ce qu’une statue de l’Enfant Jésus de Prague soit présente dans toutes les maisons de son institut. En 1894, les catholiques chinois offrirent à l’Enfant Jésus un vêtement richement brodé par les carmélites de Tou-se-we, près de Shangaï, et dont l’inscription porte la mention suivante : « Divin Enfant Jésus, ayez pitié de la Chine ! Donnez-lui la foi et libérez-la de la nuit du mauvais esprit ». En 1895 est érigée en l’église Notre Dame de la Victoire la « Confrérie en l’honneur de l’Enfant Jésus de Prague ».
Les frères carmes de Milan sollicitèrent, vers 1895, le cardinal Ferrari, pour pouvoir introduire le culte de l’Enfant Jésus de Prague dans la ville de Milan. La cérémonie d’introduction se déroula le 15 décembre 1895, durant laquelle le cardinal récita la prière du Père Cyrille et consacra à l’Enfant Jésus tous les enfants milanais. L’exemple milanais fut bientôt suivi dans les autres couvents carmes italiens et c’est ainsi qu’en 1900, le couvent d’Arenzano décida de placer dans l’église un cadre du Saint Enfant Jésus le 25 septembre 1900. Deux ans plus tard, la communauté reçut un don d’une noble italienne d’une statue de l’Enfant Jésus de Prague, en remplacement du cadre, et la communauté décida de construire un sanctuaire dédié à cause de l’affluence des pèlerins. En 1908, eut lieu la consécration de la basilique de ce premier sanctuaire entièrement dédié à la dévotion au saint Enfant Jésus de Prague. Le 7 septembre 1924, le pape Pie XI envoya un cardinal solennellement couronner la statue de l’Enfant Jésus Roi de Prague. Sur la place du sanctuaire fut aussi érigée une colonne de marbre surmontée d’une statue dorée de l’Enfant Jésus, en signe de bienvenue aux pèlerins.
Avec l’instauration de régimes communistes en Europe Centrale et Orientale après 1945, la dévotion fut interdite dans cette région du monde où les Etats prônaient l’athéisme d’état. C’est donc ailleurs, et particulièrement à Arenzano, que les pèlerins se rendirent pour prier le Saint Enfant Jésus. Le sanctuaire d’Arenzano fut donc rénové et enrichi et les travaux furent inaugurés en 1966, par le cardinal archevêque de Prague, en exil en Italie. Il déclara au cours de la cérémonie : « Combien de fois ai-je expérimenté que sa petite menotte, apparemment si faible, si impuissante, est en réalité la main toute-puissante d’un roi qui régit et bénit amoureusement tous ceux qui répondent à l’amour par l’amour ».
Avec la chute du communisme en 1991, la liberté religieuse revint à Prague et les carmes purent revenir à dans leur sanctuaire. Le 26 septembre 2009, le pape Benoît XVI rendit visite au sanctuaire. Il offrit solennellement une nouvelle petite couronne à l’enfant Jésus de Prague et composa une prière en son honneur.